Dans le 14e rapport annuel sur l’état de l’approche Agile, 95% des répondants mentionnent qu’ils utilisent l’Agilité dans leurs organisations.
Il n’y a aucun doute, l’approche de développement Agile est dominante dans les organisations, et ce, à l’échelle mondiale. Mais que votre entreprise fasse partie du 5% qui reste ou des 95% ayant déjà fait le saut, il est important de voir comment on peut la faire évoluer vers une approche pragmatique, plus accessible et surtout moins dogmatique, souvent appelée « Agilité pragmatique ». Dans les prochains paragraphes, vous pourrez constater qu’il ne s’agit pas de révolutionner l’approche, simplement de l’adapter avec efficience.
Les bénéfices de l’Agilité pragmatique
Pour bien comprendre les bénéfices de l’Agilité pragmatique, il est important de bien comprendre les principes de l’approche Agile. Nous avons abordé les fondements de cette approche ici : Agilité 101.
Après quelques mutations et adaptations, l’Agilité a évoluée aujourd’hui vers différentes approches et une d’entre elles est appelée Disciplined Agile (DA). Un des 7 principes de cette approche est le pragmatisme.
Cette approche a été privilégiée afin de ne pas tomber dans la rigidité qu’aurait pu démontrer certains adeptes du modèle Agile au cours des dernières années. Nous pourrions rédiger un article complet sur ces enjeux, mais limitons-nous à la question « Pourquoi l’Agilité disciplinée? »
La véritable Agilité commerciale vient de la liberté, pas des structures. Disciplined Agile vous aide à découvrir vos options et vous guide vers votre meilleure prochaine étape.
Cette affirmation indique bien que l’approche Agile dépasse le cadre des technologies de l’information. Il y a une réelle tendance à vouloir appliquer cette approche à travers l’ensemble des organisations. Il est intéressant de viser à diminuer la bureaucratie, mais l’abandon des structures sans vision mène souvent vers le chaos.
L’équipe
Il y a aussi un autre principe de l’Agilité perceptible dans cette approche : pour avoir plus de liberté et moins de structure, on doit avoir des gens compétents, autonomes, responsables, mobilisés et redevables. Dans les équipes Agiles, on donne de la latitude aux collaborateurs pour qu’ils organisent leurs tâches, soient versatiles et deviennent de bons communicateurs, car s’il y a moins de documentation, il y aura forcément plus de questions.
Peu importe l’approche Agile sélectionnée, il n’est pas toujours facile d’avoir des équipes possédant toutes ces qualités. On aura plus réalistement des gens qui continueront d’avoir certains rôles plus précis, afin de leur permettre de se concentrer dans des domaines où ils excellent et des gens pour s’assurer de garder le cap sur la portée, l’échéancier et le budget.
Les questions fondamentales à se poser:
1. Votre choix pour l’Agilité est-il basé sur les bonnes raisons?
Pourquoi choisir l’Agilité?
Pour des gestionnaires qui connaissent peu les technologies de l’information, l’approche Agile est une réponse à leurs doléances annuelles envoyées au CIO: « Nous allons pouvoir développer plus vite, avec plus de qualité et par la même occasion, sauver des coûts. »
Néanmoins, il ne faut pas voir l’approche Agile pour économiser, car ce n’est pas le cas. Évidemment, en livrant des fonctionnalités par itération, il est plus facile d’identifier si ce qui est livré correspond à ce qui est attendu et faire les ajustements plus rapidement au besoin.
Toutefois, comme les projets Agiles ont plus de chance de succès selon le Chaos Report du Standish Group (2020), on peut supposer que les coûts engendrés par des projets sans résultats seront moindres.
La même logique peut s’applique au niveau de la rapidité de livraison. L’expression « Fail fast, Learn Faster » — Échouez vite, apprenez plus rapidement — est souvent reprise dans le monde Agile. En effet, avec cette approche, on peut livrer plus rapidement et du même coup, se reprendre rapidement, si les besoins ont été mal compris. Dans les faits, ce n’est pas le code qu’on développe plus rapidement en Agile, mais plutôt de la valeur!
Pour les quelque 40.000 répondants du 14e rapport annuel sur l’état de l’Agilité, voici les raisons citées pour l’adoption de l’approche Agile :
Il est évidemment intéressant d’apporter de la valeur rapidement dans un projet, mais une mise en garde s’impose: il n’y aura pas de valeur rapide sans design efficace. Un démarrage rapide dans la phase développement, sans vision globale, pourrait ressembler à ce triangle bien parfaitement équilatéral, mais qui ne tiendra jamais debout, s’il repose sur un de ses sommets.
2. Votre organisation est-elle prête pour un tel changement?
Les statistiques ne mentent pas, Agile est la « nouvelle normalité », mais force est de reconnaître que ce n’est pas Agile qui veut !! Il est facile d’imaginer que dans les organisations publiques plus traditionnelles ou dans les grandes entreprises, il faudra beaucoup plus d’efforts pour gérer les changements afin que les projets Agiles soient livrés avec succès. Tout le monde saute dans le train Agile, mais comment s’assurer d’arriver à la bonne destination ?
L’article du McKinsey Group « The Five Trademarks of Agile Organizations » identifie cinq caractéristiques clés pour une transition réussie vers l’approche Agile.
- Stratégie : Une vision polarisée à travers l’organisation
Voir et saisir les opportunités, avoir de la flexibilité pour l’allocation des ressources - Structure : Un réseau d’équipes autonomes et responsabilisées
Une structure claire sans trop de hiérarchie, une équipe maîtrisant la gouvernance du projet - Processus : décisions rapides et apprentissage
La transparence dans la communication, un processus décisionnel orienté vers l’action - People : Des gens dynamiques et passionnés
Des équipes soudées, polyvalentes et dédiées au projet - Technologie : des outils à la fine pointe de la technologie
Les bons outils de gestion et les bons outils de développement
Bien sûr, on peut dire à la lecture de ces critères, que peu importe la méthode de développement, il faut toujours viser à mettre ces caractéristiques en place. Dans les cycles de développement Agile, par Sprints de 2 à 4 semaines, ces critères sont incontournables.
Avant de prioriser l’approche Agile dans votre organisation, nous suggérons deux points importants pour une transition réussie :
- Si vous en êtes à vos premiers pas et que vous n’avez personne dans votre organisation avec une expérience Agile, faites-vous accompagner par des coachs Agile avant de démarrer votre projet.
- Choisissez le bon projet, et la bonne équipe ! Ce dernier point peut sembler évident, mais il est tout aussi important que le premier.
3. Le choix de l’Agilité signifie-t-il que vous deviez abandonner la méthode traditionnelle pour tous vos projets?
Bien qu’Agile soit une excellente approche pour développer des projets, lorsque la portée et les besoins évoluent rapidement, la méthode traditionnelle en cascade doit toujours être envisagée et conservée dans certains cas.
Par exemple, lorsque les besoins sont clairement définis et que des documents de spécifications clairs doivent être disponibles, dans des domaines spécifiques et bien réglementés, l’approche traditionnelle a ses avantages.
- La planification du projet est plus facilement prévisible.
- L’équipe de production se concentre sur le développement de la solution, sans passer régulièrement en revue les besoins.
- Le résultat de la livraison est plus facile à prévoir.
Il est également important de comprendre que l’introduction de l’approche Agile dans des systèmes patrimoniaux ou à intégrations multiples n’est pas toujours évidente, ni même applicable.
L’approche Agile apporte certes de nombreux avantages mais elle n’est pas sans faiblesses.
- Le client (Product Owner) doit être impliqué dans le projet.
- La documentation n’est pas un livrable prédéterminé dans l’approche Agile.
- Une relation de confiance doit s’établir entre tous les membres de l’équipe, ce qui n’est pas toujours facile.
- Il faut s’attendre à refaire des fonctions déjà livrées avec des besoins évolutifs.
Pour reprendre un exemple de l’industrie musicale utilisé précédemment, Spotify, un leader mondial du streaming audio, a adapté le modèle Agile et développé son propre modèle d’évolutivité, avec des équipes, des tribus, des chapitres et d’autres concepts.
Tous ces concepts étaient toujours basés sur l’autonomie de l’équipe. Cependant, alors que beaucoup ont loué l’approche de Spotify (en raison du succès de l’entreprise), il semble que l’approche ait été semée d’embûches. Dans cet article intéressant de Jeremiah Lee, s’attardant sur les dessous de cette approche, on peut mieux comprendre les enjeux que les équipes de Spotify ont dû traverser. Il y a plusieurs passages dans cette analyse pour faire réfléchir, notamment ces deux commentaires :
- Il n’y a pas d’autonomie sans direction et responsabilité;
- La collaboration ne garantit pas la compétence.
4. Faut-il abandonner la documentation et la remplacer par un logiciel fonctionnel?
En tant que l’une des quatre valeurs fondamentales du Manifeste Agile, qui préconise la livraison avant la documentation « complète », beaucoup peuvent penser que la documentation des projets Agile est déficiente. De plus, comme les développeurs sont généralement peu focalisés sur l’écriture et qu’ils sont fortement impliqués dans les spécifications produits avec les métiers, la question est légitime.
Il est faux de prétendre que l’approche Agile est contre la documentation. Il existe 4 règles, souvent utilisées pour la documentation Agile, qui assurent un niveau de documentation adéquat :
- Avoir le minimum nécessaire (Just Barely Good Enough – JDBG) ;
- Ecrire au bon moment (Just In Time – JIT) ;
- Centraliser toute la documentation ;
- Produisez-le en collaboration avec tous les membres de l’équipe.
Pour illustrer les règles ci-dessus, les projets Agile visent à « voyager léger » pour le composant de documentation.
La documentation Agile est régulièrement présentée sous forme de User Stories. Ces ‘Stories’ ressemblent à : En tant que « qui », je veux « quoi », afin de « pourquoi ». Dans les cas plus complexes, nous appelons cela une « User Epic », qui peut être définie comme un groupe de user stories.
Comme dans tout projet, Agile ou Waterfall, il y aura d’autres documents à exécuter. Celles-ci iront d’une charte de projet à des guides d’utilisation. Pour être clair : Agile n’a pas supprimé le besoin de documents de référence.
Encore une fois, l’importance clé lorsque vous tirez parti de la prémisse de « l’agilité pragmatique » est d’adapter l’approche Agile à vos façons de faire pour garantir l’adhésion de tous.
5. Souhaitez-vous conserver le rôle de gestionnaire de projets (PM)?
Quand on regarde la documentation de l’approche Agile, pour les petites équipes (10-15), il y a régulièrement trois rôles :
- Propriétaire du produit
– Définit les fonctionnalités du produit (Product Backlog) ;
– Décide et priorise le contenu des sprints ;
– Ajuste les fonctionnalités à chaque itération ;
– Accepte ou refuse les fonctionnalités effectuées ;
– Gère les communications avec les parties prenantes. - Maître de mêlée
– Aide le propriétaire du produit à gérer la valeur des fonctionnalités ;
– S’assure que l’équipe est opérationnelle et productive;
– Bâtir la collaboration entre les membres de l’équipe;
– Enlever les obstacles;
– Suit le processus Agile. - Équipe de développement
– Assiste le Product Owner dans la rédaction des user stories et des tests d’acceptation ;
– Nous nous référons ici à des rôles tels que l’analyste d’affaires.
– Fabrique et teste les fonctionnalités du produit;
– Nous faisons référence ici à des rôles tels que les développeurs et les analystes QA.
– Présente les résultats au Product Owner ;
– Tenir à jour les spécifications;
– Gère les versions et les déploiements.
Dans l’image ci-dessus, nous ne voyons aucun chef de projet. De plus, on voit que la gestion du sprint est réalisée par l’équipe. Certains lecteurs observeront probablement que le suivi budgétaire est totalement absent des responsabilités de tous les rôles. En revanche, rien n’empêche un PM dans un projet Agile de petite voire moyenne taille de jouer le rôle de Scrum Master tout en gérant le budget.
Bien que le modèle ci-dessus fonctionne très bien pour les petites équipes, pour les grands projets et pour les organisations qui ont fait une immersion totale dans le modèle Agile, l’approche SAFe (Scaled Agile Framework) est la plus populaire. Dans ce cas, la gestion de projet réapparaîtra, une fois de plus.
Quand on regarde le schéma ci-dessus, on sent une certaine lourdeur et un éventuel manque de souplesse, ce qui va à l’encontre des principes de base de l’Agile. Encore une fois, la chose importante à retenir est qu’il n’y a pas de solution miracle. Les méthodologies agiles doivent être adaptées au contexte de votre organisation.
Soyez pragmatique dans l’adoption de l’Agilité
En parlant avec certains évangélistes de l’Agilité, on peut avoir l’impression d’une approche plutôt dogmatique. Ce n’est évidemment pas toujours le cas. Bien qu’il y ait des pages et des pages de documentation sur l’Agilité, ses vertus et la façon de la mettre en place, vous devez le faire avec du recul et adapter cette approche à la capacité de votre organisation.
On parle souvent d’une approche Agile hybride pour faciliter la transition et permettre de gérer le changement adéquatement. Il y a un terme intéressant dans l’approche de Disciplined Agile qui suggère de choisir son WoW (Way of Working). C’est le message à retenir en conclusion de cet article.
Peu importe l’approche choisie, pour une gestion efficace de votre portefeuille de projets informatiques :
- Il faut choisir les projets qui amèneront le plus de valeur à l’organisation.
- Il faut bien évaluer les interdépendances entre vos projets.
- Il faut libérer les joueurs clés des lignes d’affaires.
- Il faut communiquer efficacement avec toutes les parties prenantes.
Comme dans n’importe quel projet, peu importe le domaine, la clé est dans les compétences de l’équipe qui est mise en place. Le bon joueur dans la bonne chaise restera toujours un gage de succès et il faut prendre le temps de regarder la forêt avant, avant de se concentrer sur l’arbre.
A propos de l'auteur
Pierre Kergoat
Monsieur Kergoat cumule plus de 30 années d’expérience en technologies de l’information, dont plus de 15 années, à titre de chargé de projets et coordonnateur de livraison. Il dirige notamment le Studio STX à Montréal, où il est responsable des solutions qui y sont développées et de la mise en place des centres d’excellence de Systematix.
This page is also available in English (Anglais)